MÉMOIRE D’OXFAM CANADA

Résumé

Ce soir, 945 millions de personnes dans le monde iront se coucher tenaillés par la faim. En 2012, des millions d’autres joindront les rangs des affamés, ce qui fera monter le total à plus d’un milliard de personnes. Une crise de cette ampleur mérite une intervention énergique, et le Canada est bien placé pour en prendre la tête. Voici les trois recommandations prioritaires d’Oxfam pour que le Canada démontre dans le budget fédéral de 2012 son engagement continu envers la sécurité alimentaire mondiale.

Recommandation 1 : Débloquer le budget d’aide du Canada

Étant donné la forte croissance économique du Canada, le gouvernement du Canada devrait faire preuve de leadership en débloquant son budget d’aide. Oxfam recommande que le gouvernement du Canada affecte 5,6 milliards de dollars à l’aide publique au développement dans le budget 2012, soit une hausse de 8 % par rapport au budget 2011. Cette modeste hausse ferait une différence cruciale dans la vie de ceux qui vivent dans la pauvreté, en particulier le nombre croissant de femmes et d’enfants qui souffrent de la faim sur la planète. Le budget 2012 donne aussi au gouvernement du Canada une occasion en or d’annoncer un plan à long terme pour atteindre la cible d’aide de 0,7 % du revenu national brut (RNB) fixée par les Nations Unies et que tous les partis du Parlement canadien ont adoptée en juin 2005.

Recommandation 2 : Éliminer les subventions aux combustibles fossiles et aux biocarburants

Les changements climatiques sont un grand facteur de la crise économique mondiale, à cause de leurs ravages sur l’agriculture, en particulier dans les pays pauvres. Parce qu’il est l’un des plus grands émetteurs mondiaux de gaz à effet de serre, le Canada doit faire sa part dans la lutte contre les changements climatiques. Oxfam demande au gouvernement du Canada de respecter l’engagement qu’il a pris au G20 d’éliminer les subventions coûteuses à l’industrie pétrolière et gazière qui encouragent le gaspillage et accroissent les émissions. Ce faisant, le Canada obtiendrait d’importantes recettes fiscales qui pourraient être réinvesties dans les énergies renouvelables et le financement de la lutte mondiale contre les changements climatiques. Oxfam recommande également que le gouvernement du Canada mette fin à son appui aux biocarburants de deuxième génération (allégements fiscaux, subventions et mandats de contenu minimum en éthanol dans l’essence). L’appui aux biocarburants est coûteux et, qui plus est, il n’a pas été démontré qu’il constitue un moyen efficace de réduire les émissions et il attise la hausse mondiale des prix des aliments en détournant la production des aliments vers le carburant.

Recommandation 3 : Contribuer équitablement au financement de l’adaptation aux changements climatiques

Afin de respecter l’engagement qu’il a pris à Copenhague, le gouvernement du Canada devrait investir au moins 400 millions de dollars dans le budget 2012 afin d’aider les pays pauvres et vulnérables à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et à s’adapter aux changements déjà en cours. Ces fonds devraient s’ajouter au budget d’aide du Canada, et au moins 50 % devrait être consacré à des subventions d’adaptation aux changements climatiques dans les pays pauvres. Le gouvernement du Canada devrait également décrire ses plans afin d’accroître ses contributions financières à la lutte contre les changements climatiques au-delà de 2012, lorsque la période de financement accéléré de l’Accord de Copenhague aura pris fin.

Afin de financer les recommandations 1 et 3, Oxfam encourage le gouvernement du Canada à envisager deux sources novatrices de financement : une taxe sur les transactions financières internationales (appelée la taxe Robin des bois) et une taxe sur le transport maritime.

Ce soir, 945 millions de personnes dans le monde iront se coucher tenaillés par la faim. En 2012, des millions d’autres joindront les rangs des affamés, ce qui fera monter le total à plus d’un milliard de personnes[1]. Une crise de cette ampleur mérite une intervention énergique, et le Canada est bien placé pour en prendre la tête.

Ces dernières années, le gouvernement du Canada a pris de nombreuses mesures positives face à la crise alimentaire mondiale, notamment en déliant l’aide alimentaire, en réinvestissant dans l’aide aux petites exploitations agricoles et en s’opposant aux restrictions sur les exportations d’aliments. Lorsque la crise alimentaire et la famine se sont déclarées dans l’est de l’Afrique cette année, le Canada a fait preuve d’un réel leadership en intervenant rapidement et en contribuant généreusement aux secours humanitaires.

Aujourd’hui, Oxfam croit que le Canada peut et doit faire davantage.

Le budget fédéral de 2012 donne au Canada la possibilité de réaffirmer son engagement continu envers la sécurité alimentaire mondiale. Par ce budget, le gouvernement du Canada peut s’attaquer aux causes profondes de la faim et aux facteurs de l’instabilité des prix des aliments chez lui et à l’étranger. Le présent document décrit les trois recommandations prioritaires d’Oxfam pour que le gouvernement du Canada atteigne ces objectifs, ainsi que des propositions précises sur la manière d’accroître les revenus pour financer d’autres affectations budgétaires.

Recommandation 1 : Débloquer le budget de l’aide du Canada

La crise économique mondiale incite de nombreux pays donateurs à réduire leur aide publique au développement, même si la pauvreté, la faim et les changements climatiques paralysent encore plus les pays pauvres en développement. Plusieurs pays qui s’étaient engagés à atteindre l’objectif des Nations Unies de consacrer 0,7 % de leur revenu national brut à l’aide internationale envisagent des réductions temporaires à cause des contraintes budgétaires. Après avoir atteint la cible de 0,7 %, les Pays-Bas ont commencé cette année à réduire leur aide publique au développement, tandis que l’Espagne, qui s’était engagée à atteindre cette cible, a commencé à réduire son budget d’aide et recule encore plus. D’autres, comme l’Australie et le Royaume-Uni[2], par contre, se sont engagés à respecter leurs engagements à long terme, démontrant ainsi qu’il est possible de maintenir le cap malgré l’incertitude économique mondiale.

Étant donné la forte croissance économique du Canada et son solide engagement envers la sécurité alimentaire mondiale, le gouvernement du Canada devrait faire preuve de leadership en débloquant son budget d’aide. Si le gouvernement du Canada continue de bloquer le budget d’aide, l’aide du Canada, mesurée par rapport au RNB, continuera de baisser, ce qui ferait du Canada l’un des pires pays donateurs malgré sa situation économique relativement enviable[3].

Oxfam recommande que le gouvernement du Canada affecte 5,6 milliards de dollars à l’aide publique au développement dans le budget 2012, soit une hausse de 8 % par rapport au budget 2011. Cette hausse de 8 % ne suffirait pas pour que l’aide du Canada représente 0,7 % du RNB, mais elle ferait une différence cruciale dans la vie de ceux qui vivent dans la pauvreté, en particulier le nombre croissant de femmes et d’enfants qui souffrent de la faim.

Le budget 2012 donne aussi au gouvernement du Canada une occasion en or d’annoncer un plan à long terme pour atteindre la cible d’aide de 0,7 % du revenu national brut fixée par les Nations Unies et que tous les partis du Parlement canadien ont adoptée en juin 2005. Oxfam croit que le Canada doit s’efforcer d’atteindre cet objectif.

Recommandation 2 : Éliminer les subventions aux combustibles fossiles et aux biocarburants

Les changements climatiques sont un grand facteur de la crise alimentaire mondiale, à cause de leurs ravages sur l’agriculture, en particulier dans les pays pauvres. Parce qu’il est l’un des plus grands émetteurs mondiaux de gaz à effet de serre, le Canada a le devoir de réduire ses émissions de manière spectaculaire. En 2009, le Canada et d’autres pays du G20 se sont engagés à éliminer les subventions inefficaces aux combustibles fossiles qui encouragent le gaspillage et accroissent les émissions. Oxfam demande au gouvernement du Canada de tenir ses promesses en réduisant fortement son appui à l’industrie pétrolière et gazière. Ce faisant, le Canada réduirait ses émissions de gaz à effet de serre, mais obtiendrait aussi d’importantes recettes fiscales, dont une partie pourrait être réinvestie dans les énergies renouvelables (comme l’énergie solaire, éolienne et géothermique) et le financement de la lutte mondiale contre les changements climatiques (voir la recommandation 3). Le ministère des Finances a lui-même évalué que l’élimination des préférences fiscales accordées à l’industrie pétrolière et gazière ferait économiser au gouvernement du Canada plus de 760 millions de dollars par année[4].

Oxfam recommande également que le gouvernement du Canada mette fin à son appui aux biocarburants de la deuxième génération (éthanol et biodiesel). L’appui aux biocarburants dans la chaîne d’approvisionnement coûte très cher et il n’a pas été démontré qu’il constitue un moyen efficace de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Les allégements fiscaux et les subventions aux biocarburants représentent une perte de revenu et de deniers des contribuables, qui pourraient être mieux dépensés. Le contenu minimum en éthanol dans l’essence exigé par le Canada détourne aussi d’énormes quantités de maïs des marchés mondiaux, ce qui contribue à faire monter le prix de cet aliment de base. Oxfam croit que le Canada devrait éliminer graduellement les mandats de contenu minimal en éthanol et appuyer la proposition du G20 de suspendre complètement ces mandats lorsque les prix mondiaux des aliments sont élevés.

Recommandation 3 : Contribuer équitablement au financement de la lutte contre les changements climatiques dans le monde

Le gouvernement du Canada devrait investir au moins 400 millions de dollars dans le budget 2012 afin d’aider les pays pauvres et vulnérables à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et à s’adapter aux changements déjà en cours[5]. Ces fonds devraient s’ajouter au budget d’aide publique au développement du Canada, comme le prévoit l’Accord de Copenhague que le gouvernement du Canada appuie[6].

L’an dernier, Oxfam s’est réjouie de la décision du gouvernement du Canada de verser 20 millions de dollars au Fonds pour les pays les moins avancés, qui vise à aider les pays les moins avancés de la planète à élaborer et à mettre en œuvre des plans d’action nationaux. Mais seulement 11 % du financement total du Canada pour les changements climatiques en 2010-2011 est allé à l’adaptation. Afin d’assurer un bon équilibre entre les stratégies d’atténuation des changements climatiques et les stratégies d’adaptation aux changements, la moitié des 400 millions de dollars affectés aux changements climatiques en 2012-2013 devraient être consacrés à l’adaptation aux changements climatiques dans les pays pauvres. Tous les fonds d’adaptation canadiens devraient être versés aux pays en développement sous forme de contributions et non de prêts. L’Agence canadienne de développement international devrait aussi s’assurer que les femmes, et en particulier celles qui ont de petites exploitations agricoles, ont accès à ces fonds d’adaptation et peuvent en profiter.

Au-delà de 2012, le gouvernement du Canada devrait planifier une augmentation de ses contributions financières à la lutte contre les changements climatiques dans le monde, une fois que la période de financement accéléré de l’Accord de Copenhague aura pris fin. Il devrait également accroître la transparence en présentant au Parlement des rapports sur ses contributions annuelles à la lutte contre les changements climatiques.

Accroître les revenus pour financer d’autres affectations budgétaires

Oxfam reconnaît que la récente récession économique et la nécessité connexe de réduire le déficit budgétaire ont limité le pouvoir de dépenser du gouvernement du Canada. Mais Oxfam croit aussi que le Canada ne devrait pas réduire son propre déficit sur le dos de ceux qui sont les plus vulnérables sur la planète et qui ont besoin plus que jamais de l’appui du Canada pour lutter contre la pauvreté, mettre un terme à la faim et s’adapter aux changements climatiques. Pour cette raison, Oxfam souhaite proposer deux moyens d’accroître les revenus à l’aide de sources de financement novatrices, pour pouvoir financer les affectations budgétaires supplémentaires recommandées :

Taxe sur les transactions financières internationales

Oxfam croit qu’un moyen novateur et durable pour le Canada de financer de nouvelles dépenses consisterait à appuyer une taxe sur les transactions financières, également appelée la « taxe Robin des bois ». Cette modeste taxe sur toutes les transactions entre les grandes institutions financières pourraient aider à financer la lutte mondiale contre la pauvreté et les changements climatiques. Dans sa conception actuelle, la taxe Robin des bois imposerait des frais de 0,05 % sur l’achat et la vente de devises, d’actions, de produits financiers dérivés des banques, des courtiers en valeurs et des fonds de couverture. Cette initiative prometteuse reçoit déjà l’appui de plusieurs pays du G20 comme la France et l’Allemagne, ainsi que des prix Nobel en économie Joseph Steiglitz et Paul Krugman. Oxfam croit que la taxe Robin des bois mérite l’appui du Canada.

La taxe Robin des bois pourrait aider le gouvernement du Canada à financer les recommandations 1 et 3 d’Oxfam.

Taxe sur le transport maritime

Le Canada doit faire sa part pour aider les pays en développement pauvres et vulnérables à s’adapter aux conséquences des changements climatiques et à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Mais l’ampleur du défi est tellement grande que les contributions budgétaires ne suffiront pas à long terme. Afin que le Canada puisse apporter une contribution financière plus importante à la lutte contre les changements climatiques, de manière plus prévisible et sans risque de détourner des fonds du budget d’aide du Canada, il faut trouver de nouvelles sources de financement de la lutte contre les changements climatiques.

Oxfam croit que le Canada devrait appuyer l’idée d’une taxe sur le transport maritime afin de financer le nouveau Fonds vert pour le climat établi par l’Accord de Copenhague. Mettre un prix sur les émissions de gaz à effet de serre des navires (par exemple, par une taxe sur le carburant) pourrait rapporter des milliards de dollars d’argent frais supplémentaire pour la lutte contre les changements climatiques. On estime que, d’ici 2020, une taxe sur le transport maritime pourrait rapporter de 10 à 15 milliards de dollars par année pour le Fonds vert pour le climat[7]. Des défenseurs de cette taxe émergent rapidement – depuis la France et l’Allemagne jusqu’au groupe des pays les moins avancés. Oxfam croit qu’il est temps que le Canada se joigne à eux.

La taxe sur le transport maritime pourrait aider le gouvernement du Canada à financer la recommandation 3 d’Oxfam.


[1]      Growing a Better Future: Food justice in a resource-constrained world (Oxfam International, juin 2011) http://www.oxfam.ca/sites/default/files/Oxfam%20report%20-%20Growing%20a%20Better%20Future 0.pdf.

[2]      Le gouvernement du Royaume-Uni s’est engagé à atteindre la cible de 0,7 % d’ici 2013. http://www.number10.gov.uk/news/pms-speech-on-aid-trade-and-democracy/.

[3]      Budget fédéral 2011 – Document d’information prébudgétaire (CCCI, mars 2011) http://www.ccic.ca/_files/en/media/2011_pre_budget_backgrounder_fr.pdf

[4]      Mémoire de Michael Horgan au ministre des Finances, 18 mars 2010, objet : G-20 Commitment – Fossil Fuel Subsidies. http://pubs.pembina.org/reports/department-of-finance-subsidies-memo.pdf.

[5]      The Case for Helping Poor Countries Adapt to Climate Change (Oxfam Canada, Oxfam Québec, Institut Pembina, décembre 2009) http://www.oxfam.ca/sites/default/files/the-case-for-helping-poor-countries-adapt-to-climate-change.pdf.

[6]      Environnement Canada, Communiqué de presse, « Le gouvernement du Canada effectue des investissements majeurs pour les changements climatiques à l’échelle internationale » (23 juin 2010), affiché à http://www.ec.gc.ca/default.asp?lang=Fr&n=714D9AAE-1&news=FD27D97E-5582-4D93-8ECE-6CB4578171A9.

[7]      Pour des renseignements sur la manière dont une taxe sur le transport maritime pourrait financer la lutte contre les changements climatiques, voir Turning Carbon into Gold: How the international community can finance climate change adaptation without breaking the bank (Oxfam International, décembre 2008).